lundi 26 septembre 2011

Tunisie: Le chômage des jeunes menace la "révolution du Jasmin"

Chronique publiée dans "Les Echos"



01/09/2011 | Jean Francois Limantour | Afrique | 
Le chômage des jeunes menace la "révolution du Jasmin"
Première économie du continent africain en 2010 devant l’Afrique du Sud, la Tunisie semble s’enfoncer dans la voie de la régression, voire de la pauvreté. Sept mois après la chute de Ben Ali, le chômage culmine à 19 %, touchant 700.000 personnes.
ÉCRIT PAR
Jean Francois Limantour
Chaque mois, la Tunisie perd en moyenne 30.000 emplois ! Et, de source officielle, 25 % de la population vit aujourd’hui avec moins de 2 dollars par jour contre 4 % avant la révolution du Jasmin.
Les tensions révolutionnaires, parfois violentes, ont largement contribué à créer cette situation socio-économique fragile et préoccupante ; elles ont plombé l’activité touristique – un secteur clé avec ses 400.000 emplois directs et indirects -  et miné la confiance des investisseurs internationaux envers un pays jusqu’alors réputé pour sa stabilité politique et sociale, au sein d’un bassin méditerranéen particulièrement instable.
Au-delà de leurs légitimes aspirations pour plus de justice et de liberté, les Tunisiens veulent avant tout « mieux vivre » et du travail pour tous, dans une société enfin purgée de ses dérives anti-démocratiques ! Pourtant, il est douteux que le renversement du régime Ben Ali apporte, par lui-même,  une réponse concrète aux problèmes économiques structurels dont souffre la Tunisie, au premier rang desquels celui, explosif, du chômage des jeunes diplômés. Sur les 346.000 diplômés de l’enseignement supérieur que compte la Tunisie, 170.000 sont actuellement sans emploi et des dizaines de milliers d’autres en sont réduits à accepter des petits boulots ou des emplois subalternes. En d’autres termes, le remarquable système éducatif tunisien tourne en partie à vide.
Pourquoi ? Parce qu’en dépit des efforts louables de diversification consentis au cours de ces dernières années, l’économie tunisienne repose encore essentiellement sur des investissements directs européens de sous-traitance industrielle, à faible valeur ajoutée ; certes, ces activités fournissent du travail par milliers aux ouvriers et au petit encadrement ;  mais elles présentent le double inconvénient d’exposer dangereusement la Tunisie à la concurrence asiatique et de fournir peu d’emplois qualifiés aux ingénieurs, techniciens supérieurs et autres diplômés de l’Université et des écoles de commerce.
Principal partenaire de la Tunisie, la France peut, de concert avec l’Union européenne, contribuer à la nécessaire réorientation de l’économie tunisienne vers des activités industrielles et commerciales à forte valeur ajoutée ainsi qu’à l’emploi des jeunes diplômés. Parmi les diverses idées, réfléchissons notamment à celle d’un fonds spécial IDE pour attirer en Tunisie des investissements porteurs d’avenir, à forte valeur ajoutée et d’un autre fonds pour constituer des consortiums euro-tunisiens de dimensions internationales.
Autre suggestion, celle de valoriser le cursus des jeunes diplômés tunisiens et donc leur attractivité  sur le marché de l’emploi en favorisant leur professionnalisation, ceci en facilitant leurs possibilités d’accueil, en Europe, en stages en milieux industriels et commerciaux.
Dans la compétition internationale, la Tunisie dispose d’importants atouts dont des coûts de facteurs attractifs, mais surtout d’un formidable potentiel humain, un potentiel d’intelligence, de compétence, de dynamisme et de savoir-faire. Au moment où toutes les ressources du pays doivent être mobilisées pour relever le défi de la mondialisation, la sous-utilisation de ce capital serait très lourde de conséquences pour les acquis de la révolution du Jasmin.
Car, ne nous y trompons pas, l’enjeu véritable c’est la démocratie contre la montée de l’obscurantisme.

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